NB : je n'avais ni GPS, ni SATNAV, ni radar : je naviguais au sextant
Au départ de Darwin, nous filons droit sur Chrismas Islands, puis sur les îles Cocos Keeling, avant d'aborder la grande traversée de l'océan Indien, qui nous mènera jusqu'au Sri Lanka, puis aux Indes.
Nous sommes seuls au mouillage. Le muezzin appelle à la
prière plusieurs fois par jour, mais surtout le matin de très,
très bonne heure, ce dont je me serais bien passé après
plusieurs nuits de quarts en mer.
Sur l'île, il y a une usine de phosphate où beaucoup d’immigrés
indonésiens travaillent. Il paraît que l’on va y construire
une immense prison genre centre de bagne... Perdue au milieu de l’océan,
les bagnards ne risqueraient pas de jouer à Papillon et se sauver à la
nage.
Nous avons raté la principale attraction de l'île, à savoir
la saison des amours des crabes rouges (on arrive toujours ou trop tôt
ou trop tard... il va falloir que je programme mon futur voyage en rapport des événements
folkloriques).
(Documentation extraite de Wikipédia)
Chaque année au printemps, l’île Christmas est envahie
par le crabe rouge (Gecarcoidea natalis), et est, pendant près d’un
mois, presque paralysée par cette invasion pacifique de milliers
de crabes rouges.
...
Cet exode annuel se déroule au printemps c’est-à-dire en
novembre dans l’hémisphère sud.
Sur cette petite île d’à peine 135 km², plusieurs espèces
de crabes se côtoient. Le plus petit, le crabe rouge, est l’attraction
de l’île. Il est impropre à la consommation. La période
de transhumance dure de 9 à 18 jours et il est alors préférable
de fermer sa porte.
Jusqu’à 7 000 crabes par km progressent ensemble à environ
10 cms par seconde.
Les mâles ouvrent la marche, les gros en avant et les petits derrière
suivis par les femelles. C’est un véritable déferlement grouillant
qui se déplace sur un front de plusieurs kilomètres.
Ceux-ci envahissent tout : les routes, les maisons, les voitures, les
toits, les terrains de golf, et même les voies utilisées par les wagons
pour le transport du phosphate, unique ressource de l’île.
...
A leur arrivée sur les plages, les crabes barbotent dans l’eau afin
de reprendre des forces. Ils se réhydratent et boivent goulûment.
Ensuite, les géniteurs construisent des terriers sur les terrasses côtières
et s’en disputent la propriété à grands coups
de pinces.
Les femelles rejoignent ensuite les mâles. L’accouplement se produit à l’intérieur
du terrier. Puis, le mâle entreprend le voyage en sens inverse
vers la jungle.
...
A la nuit, les femelles se dirigent vers la mer et sont saisies de véritables
spasmes. Accrochées aux rochers, et parfois aux falaises hautes de 8 m,
elles secouent leur abdomen au-dessus de l’eau pour libérer
la ponte.
Chaque femelle expulse près de 100 000 œufs. En grappes compactes,
les larves minuscules restent un peu moins d’un mois entre deux
eaux.
Les eaux sont alors transformées en une gigantesque nappe gluante.
Puis, les bébés crabes, tout rouges et aux yeux noirs, sortent
de la mer. Ils forment d’immenses tapis rouges grouillant sur toute la
côte... Une nouvelle invasion commence ...
Nous recherchons comme d’habitude une île avec des coraux et des
poissons de toutes les couleurs. Encore un petit effort, quelques centaines de
milles (une bricole pour Kurma et son équipage !) et nous voici arrivés,
poussés par le vent.
Bien entendu, avec notre "chance habituelle", le feu d’entrée
au port ce soir-là est en panne, il nous faut donc tirer des bords
toute la nuit contre une mer formée. L'’Indien ne nous fait pas
de cadeaux, les vagues sont disproportionnées par rapport au vent à cause
des moussons.
Et juste à l'endroit où nous avions prévu d'amarrer, il
me faut faire attention à un petit caillou pas éclairé.
La nuit va encore une fois être longue et stressante...
Au lever au soleil, nous sommes juste devant la passe dont le feu ne fonctionne
pas, "à quelques encablures" comme disent les vieux marins. Kurma avance
au milieu des patates de corail. Bientôt, l’eau turquoise et le calme
du lagon se révèlent à nos yeux éblouis.
Au mouillage, nous rencontrons quelques voiliers amis, notamment l'Etourdi
II, un Mélodie mené par Jacques et Béatrice, dont je vais
conter l'histoire : une rencontre sur un quai de Méditerranée, la
décision de partir faire un tour du monde en deux ans... Les voici à Cocos,
en pleine forme après moultes aventures. Le reste de leur voyage
se fera sans problème majeur. Rien que de banal, me direz-vous, mais je
ne vous ai pas précisé : Au départ, Jacques a 74 ans, Béatrice
un peu moins... Bravo à eux !
.Il y a aussi le trisbal Fébus, que nous retrouverons souvent sur la route
du retour, avec, à son bord, x et x, et leur fille x, la grande copine
de Cloé et Damien.
Et le Natacha 2 avec Ruth et Richard, toujours en train de rigoler, qui nous
raconte ses exploits en Australie, sur son vélo à une seule roue !
comme il le dit lui-même, ce vélo-là, personne ne
me le volera !
Et Philoé sur leur Ovni , avec leur bébé né en
Australie.
Nous échangeons nouvelles et anecdotes. Ici, les autochtones sont méfiants
vis-à-vis des français. Il y a de quoi...
C'est un couple de français en voilier qui s'est comporté en
escrocs. Alors qu'ils avaient été gentiment accueillis à terre
par les habitants à cause de la mauvaise saison, ils sont repartis un
beau matin en catimini en emportant à leur bord une bonne partie
du matériel "emprunté" sur les bateaux des habitants.
Encore une raison pour nous d’avoir honte de notre drapeau !
L’endroit où nous sommes autorisés à rester
(point rouge sur la carte ci-contre) est en fait le lieu de villégiature
des habitants. Ils viennent y passer le week-end, laissent leurs
planche à voile, leur matériel. Ils travaillent à la base
de quarantaine sur un autre îlot où l’on parque, veaux,
vaches, cochons en partance pour l’Australie.
Ces îles qui appartiennent à l’Australie sont dirigées
par un gouverneur. Elles sont dotées d'un aéroport et d'une
poste, et pour ceux qui font collection de timbres, vous ne les trouverez
pas ailleurs !, nous avons l’autorisation de complaisance
de séjourner le temps que l’on veut du moment que l’on
ne dérange pas et que l’on ne cherche pas a aller sur
d’autres îlots.
Une façon pour les habitants de se préserver des touristes
quels qu’il soit.
Mais on peut pique-niquer à terre et même passer la nuit
dans des cabanes en palmes de cocotiers. Il n’y a pas de moustiques, et
les cocos attendent juste qu’on les cueille car il s'agit de cocotiers
nains.
Les enfants s'amusent à dormir dans des hamacs, ils ont construit
une cabane et se sont déguisés en indiens avec des feuilles
de palmiers.
Le sable est blanc et fin comme de la farine, les fonds sont magnifiques
et pour pas polluer, nous descendons nos poubelles à terre. Une
fois par semaine, une pirogue vient les récupérer
pour les brûler. On peut aussi monter à son bord pour se rendre
au village faire quelques achats auprès de l'unique boutique de
l'île.
Bien sûr, tout n'est pas parfait !
Les tempêtes tropicales passent par là, raison un peu triste pour
laquelle nous ne pourrons pas rester très longtemps, d'autant que
la saison des moussons approche.
Et puis, l'approvisionnement en eau potable est délicat, nous pouvons
juste aller chercher quelques jerricans d'eau dessalée au village.
Chacun prépare son départ, on discute ferme sur la direction à prendre
: soit au plus court, avec beaucoup de vent dans le nez, soit au
plus long, avec un détour par les Maldives.
J'opte pour le plus court possible, et même tout droit, ce qui fait
rire tout le monde, nos amis de Fébus vont vers les Maldives, des australiens
veulent faire un crochet mais sans s’arrêter.
Nous nous donnons rendez-vous dans 3 semaines à Galles, mouillage obligé du
Sri Lanka.
La mousson nous rattrape et c’est parti ! Pour l’instant, et pendant
quelques jours, nous l’avons juste comme il faut de travers et malgré une
mer formée, 2 à 3 mètres de creux, Kurma prend son pied
sous génois et grand voile.
Le rythme est pris a bord, le pilote fait son boulot et de temps en temps une
vague de travers plus grosse frappe la coque. la première semaine se passe
normalement mais depuis que ma route change vers le nord, la mousson vient de
plus en plus vers l’avant et nous devons malgré la chaleur fermer
les capots, car la mer court sur le pont à chaque vague... suivent les
grains avec pluie et le vent sous de gros nuages noirs, qui nous obligent à réduire
les voiles et que l’on voit arriver de loin le jour, mais pas la nuit,
alors c’est la course avec les voiles qui battent et risquent de vous faire
passer par dessus bord.
Bon ! Voilà la grande voile qui me lâche, je l’avais reprise à Cairns,
mais elle est usée par le soleil et se déchire aux coutures. Il
faut affaler, la sortir de son rail sur le mât, la rentrer dans le carré,
mettre le tourmentin car nous ne pouvons pas rester sans grand voile. puis une
fois le bateau reparti, je me mets à la couture ce qui est pas une sinécure...
Je sais, il faut être maso pour faire du bateau, et voyager avec, alors
là je ne vous en parle pas !
On s’ennuie pas pendant cette traversée, mais vivement l'arrivée
!
Les enfants ne sortent plus (trop dangereux), ils attendent comme nous en jouant
avec leurs Lego par terre sur les coussins.
La technique est éprouvé maintenant par gros temps, tous les coussins
des couchettes sont au sol et ils jouent et dorment là, il paraît
que ça bouge moins !
20 jours de gymkhana... Depuis un jour ou deux, nous croisons des cargos qui,
pour éviter la mousson, longent la côte indienne et Sri Lankaise.
Enfin le Sri Lanka se profile à l'horizon...
Mouillage dans l'enceinte de l'armée.
Pas de problème car les lieux sont surveillés.
Nous faisons connaissance avec un bijoutier. Très sympathique, il se charge pour nous (gratuitement !) des formalités d'entrée dans le pays, nous fait visiter sa maison et rencontrer sa famille. Etant commerçant, il nous propose d'acheter quelques pierres semi-précieuses, il y en a beaucoup dans le pays. Plus tard, sa fille nous confectionnera tous les drapeaux pour le reste du voyage, ce qui nous enlève une super épine du pied car nous n'avons pas tous les tissus qu'il faut, et hisser les drapeaux en arrivant dans un pays est une obligation et une politesse.
Il nous renseigne aussi sur la façon de visiter le pays. Nous suivons ses conseils : 100 dollars pour 2 semaines pour de charmants hôtels anglais et un service impeccable tous les soirs.
Le bateau est en sécurité dans ce mouillage, nous partons donc à la découverte du pays. Un voyage plein d'imprévus, vraiment folklorique, en bus locaux avec des arrêts constants même quand il n’y a plus de place pour faire monter des voyageurs qui, tant bien que mal, s’accrochent à la carcasse du minibus. Nous sommes coincés au fond, impossible de descendre avant le terminal.
Les sites sont superbes : temples et bouddhistes en robe safran, singes (hélas voleurs d'appareil photo), mais aussi de magnifiques boudhas dans toutes les positions dont certains sont recouverts de feuille d'or.
Les indiens utilisent au maximum la noix de coco pour tout ce que l’on peut imaginer : Cordes, planches, alcool, etc.. Ils ont trouvé un moyen astucieux pour aller chercher les noix de cocos dans les arbres : au lieu de redescendre à chaque fois, ils ont tendu des cordages (faits de bourre de coco) entre les arbres et font les équilibristes d’un arbre à l’autre. Nous les regardons marcher sans sécurité sur ces cordes tendues...
Ils récupèrent le jus des fleurs qu'ils incisent et le font fermenter pour fabriquer leur alcool.
Nous voyons aussi de magnifiques plantations de thé dans les hauteurs de l'île, avec leur armée de ramasseuses qui utilisent un sac-poubelle découpé en guise d'imperméable pour se protéger de la pluie (qui tombe souvent) et de la fraîcheur des nuits (10°. Il nous faudra utiliser des couvertures pour dormir).
Sur la côte, à une centaine de mètres du bord, les pêcheurs à la ligne, perchés sur des piquets plantés, pêchent de petits poissons genre sardine. Dans un village voisin, sur la plage, nous arrivons juste pour le retour des pirogues à balancier : accrochés au bord, de superbes requins dont ils tirent un maximum de ressources : les ailerons vendus à prix d'or, puis la peau, l'huile, etc...
Leur façon de conduire les minibus est assez pittoresque : à toute vitesse au milieu de la route, à cause des bords défoncés, ils attendent le dernier moment pour serrer à gauche lorsqu'ils croisent un autre véhicule. On a chaque fois la tentation de fermer les yeux... les accidents sont malheureusement nombreux.
Au cours de notre séjour, nous retrouvons les Viura, des italiens : Mathilde, Carlo et leur fils Marco. Puis Robert et Linda, à bord du Liberty. Et enfin, Phillipe, Natalie et Aliocha du voilier Tao, qui gentiment nous proposent de surveiller Kurma pendant nos ballades dans les terres.