NB : je n'avais ni GPS, ni SATNAV, ni radar : je naviguais au sextant
Nous avons quitté la rivière, ce qui a pris du temps à cause des algues et des kilos de boue sur le mouillage. Nous nous rendons une dernière fois aux îles du Salut pour passer une nuit tranquille avant le grand départ.
Enfin, ce matin, nous sommes en mer et prenons le cap vers Tobago à
700 milles d’ici.
Nous quittons la Guyane et longeons à une cinquantaine de milles
la Guyane hollandaise puis nous approchons des cotes vénézuéliennes,
et enfin Tobago.
Le vent tourne au sud et la mer aussi, ce qui ne me rassure pas, car
la baie vers laquelle nous dirigeons est ouverte à ces vents
qui normalement devraient être nord-est.
J’espère juste que ça va se calmer pour ne pas
mettre Kurma en danger, mais ça pousse fort vers la côte
!
Heureusement qu’il fait jour, ainsi j’évite des
espèces de balises bizarres qui doivent désigner des épaves
sous-marines. Nous voyons deux voiliers qui dansent dans la houle.
Nous mouillons dans la baie de Scarborough et attendons la douane qui
ne viendra pas. Le lendemain, tout l’équipage descend à terre
pour les formalités.
Les Antillais de cette île sont sympathiques et surtout occupés
à préparer le carnaval. L’île n’est
pas très riche et commence à s’ouvrir aux touristes
car il y a de magnifiques plages. les boutiques et le marché ne
sont pas très riches en produits frais mais nous nous en contentons
pour l’instant.
En cette saison, la houle entre dans la baie et le coin est rouleur.
Nous contournons l'île par le sud pour trouver un endroit plus
calme. Après la pointe, nous mettons l’ancre dans une
anse où l’eau est turquoise et le sable blanc, Englishman
bay.
Les Testigos (ne faites pas la traduction comme vous le pensez c’est
vraiment autre chose !)
sont des îles uniquement habitées par des pêcheurs.
Les touristes n'y trouvent aucun confort. Le vent ayant tourné comme
prévu au nord, nous n'y restons qu'un soir !
Ce matin route vers les îles Vénézuéliennes.
La première, Los Roquès, pas très touristique
pour le moment, mais avec une vraie barrière de corail, est
le rendez vous des yachtmans vénézuéliens.
Le vent devenant de plus en plus fort nous fait faire un arrêt à la Blanquilla, où nous restons sous le vent à l’ancre à subir des rafales un peu fortes. Ce n’est pas catastrophique, le soleil brille et Kurma tient bien dans le sable avec son ancre CQR et ses 20 mètres de chaîne, mais la nuit est agitée.
J’ai fait un petit calcul concernant l’heure de départ
demain matin afin que nous arrivions après le lever du jour
aux Roques car la barrière de corail est dangereuse.
Peu après minuit, mon amie, de quart à ce moment
là, me réveille :
"Ce n'est pas normal, des dauphins courent devant le bateau
en poussant des cris et en allant à l’étrave
d’un bord à l’autre comme pour nous faire changer
de direction, il doit y avoir un danger droit devant !"
Je lui certifie que c’est impossible, nous sommes beaucoup
trop loin des Roques.
Comme elle insiste, et que, maintenant, je suis bien réveillé,
je sors mon sextant. Le ciel est magnifique, je fais rapidement
un point d’étoiles et… surprise ! Nous voici
déjà
à 5 milles des Roquès...
Comme d'habitude, le phare est en panne depuis plusieurs jours et le courant m'a surpris. Notre vitesse a presque doublé, nous filons au-delà des Roquès que nous ne verrons donc pas, et nous arrivons au petit îlots déserts des Avès.
Apres avoir mis l’ancre dans le sable blanc, nous descendons
tous à
terre.
Là, des milliers de cris d’oiseaux nous assaillent. Nous
nous retrouvons en plein milieu de milliers de nids de Fous de Bassan,
avec leurs petits encore couverts de leur duvet blanc.
Très en colère de notre intrusion, ils nous invectivent.
Les bébés sont rigolos avec leur gros bec et leur façon
de trottiner en se dandinant. Et lorsque nous essayons de les toucher,
ils crient et nous menacent !
Nous sommes vraiment seuls au monde.
Sur cet îlot, il y a juste une cabane sans murs, plutôt
un abri contre le soleil car la végétation est réduite à
un peu de mangrove. Nous découvrons aussi une piste d’avion
de deux cent mètres sur le sable, et, au bout, un petit monoplace
tout en morceaux, qui, nous supposons, a raté son atterrissage.
Nous pêchons et cueillons une langouste pour le repas du soir.
La nuit sera calme dans ce mouillage.
Le lendemain matin, la douane vénézuélienne, qui
passait par là, nous demande nos papiers et notre destination,
et nous conseille de ne pas trop traîner dans le coin à cause
des trafiquants.
Nous mettons donc le cap sur Bonaire, île hollandaise plus civilisée.
En fin d’après-midi, nous mettons l’ancre devant
la ville principale de Bonaire, Kralendijk.
Après le repas, nous allons nous coucher.
Dans la nuit, un drôle de bruit me réveille. Je me lève
et me rend compte que Kurma n'est plus devant la ville, il a dérapé
l’ancre et se trouve à quelques mètres des cailloux
entourant l’îlot qui était derrière nous à bonne
distance.
Heureusement, la chaîne et l’ancre se sont accrochées à
temps !
Hier soir, j'ai oublié de donner un coup de marche arrière
pour m’assurer que le bateau était bien ancré… erreur
qui aurait pu nous coûter cher !
J’en suis quitte pour une belle frousse. Je retourne, au moteur,
m’ancrer devant la ville, mais cette fois, en assurant ! La chance
sourit aux inconscients !
Alors, un conseil que j’ai suivi ensuite tout le long de mon
voyage :
une fois ancré, prenez vos palmes et masque et allez
vous rafraîchir les idées en regardant votre ancre, ce
n’est pas désagréable…
et très utile !
Bonaire est un site de plongée protégé depuis
longtemps. Nous mettons tous mis palmes et tubas et nous nous immergeons
dans cet aquarium naturel. Oh ! Quel spectacle ! Des milliers de poissons
de toutes les couleurs viennent nous regarder juste sous notre masque,
on pourrait presque les prendre dans nos mains… Un vrai régal
pour les yeux ! Cloé est toute excitée, elle nous en
parlera pendant plusieurs semaines. Je regrette vraiment de ne pas
pouvoir faire de s sous-marines.
Aujourd’hui, nous rejoignons
Curaçao, autre île néerlandaise juste à côté.
Le vent est tombé, nous faisons le trajet au moteur jusqu'à
ce superbe abri de Spanish Water où nous restons quelques jours
car il s'agit de notre dernière étape civilisée
avant de rejoindre les San-Blas.
La veille du départ, nous faisons nos achats en ville. Mais
nous sommes tellement chargés qu'il nous est impossible de grimper
dans le bus, et nous sommes obligés de prendre un taxi.
Nous prenons le bus pour aller visiter la ville de Willemstad. Très
folklorique et vraiment drôle, ce mélange de bâtiments
d’architecture hollandaise avec des canaux et ses fameux voiliers à
fond plats et leurs immenses dérives en bois, ancêtres
de nos dériveurs modernes. Il ne manque plus que les Coffee
Shop.
Ah ! J’oubliais, le créole d’ici, que l’on
nomme le papiamento, est un mélange de créole espagnol
et anglais. Vous secouez le tout, sans oublier l’accent, et
ça marche !!!
Nous filons avec un bon vent en direction d’Aruba, mais en voyant les cuves
de pétroles et les raffineries, nous décidons de ne pas faire de
halte... d'autant plus que sur les conseils des douaniers, nous devrons passer
assez loin des côtes de Colombie, je suppose que vous devinez pourquoi.