Kurma, mon tour du monde en voilier
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Traversée de l’Atlantique

24 octobre 1981

C’est parti pour la grande bleue, direction le Brésil (sans panneau) : 1600 milles, mais d’abord, sur le chemin, Fernando de Noronha, la première île.

Cette traversée débute avec un temps splendide : un ciel tout bleu, du vent mais pas trop, et la mer est superbe.
Je viens de mettre la ligne de traîne, on ne sait jamais. Il n'y plus rien à faire, le pilote barre pour nous.
Quand il fait bien chaud, je mets une corde à l’arrière du bateau, et nous nous laissons tirer par Kurma, chacun son tour bien sûr !

Kurma vole !

Un jour, nous rencontrons un phénomène bizarre. La mer est très agitée, et pourtant rien n’a changé. Pendant plusieurs heures, le silence, comme si nous n’avancions plus, j’ai l’impression que Kurma survole la mer. Je vérifie ma vitesse, mon vent… rien !
J’apprendrai la raison de ce phénomène bien plus tard par un radioamateur de Toulouse, qui est aussi météorologue : Kurma est passé sur un volcan sous-marin, et la salinité ayant augmenté, il flottait plus haut.

* * *

De temps à autre, nous récupérons sur le pont des poissons volants qui ont raté leur atterrissage, sauf un qui, une nuit pendant laquelle j’étais de quart, m'est arrivé en pleine figure… ça fait drôle !
Les dauphins et les globicéphales viennent jouer avec l’étrave. Un poisson pilote qui nous a pris d’amitié (ou confondus avec une baleine !) nous suit pendant toute la traversée, mais je le soupçonne de se coller avec sa ventouse à la coque la nuit pour se reposer.

Globicéphale

L’Oiseau

Au beau milieu de l’Atlantique, à un millier de kilomètres de toute terre, nous faisons la connaissance d’un oiseau de la taille d’un petit moineau. Il est venu se reposer à un mètre de moi sur le pont, et me regarde en suivant les balancements de Kurma d’un air dubitatif, ne comprenant pourquoi cette île bouge…
Puis, sans se préoccuper de nous, il s’envole vers l’intérieur du bateau et va se poser sur un étagère, sans complexe : on est mieux à l’ombre !
Il y passera le reste de la journée et la nuit. Au matin, sans prévenir, il reprend sa route. Bon voyage !


Chirurgien-dentiste

Seuls au milieu de l’Océan, nous sommes obligés d'exercer tous les métiers.
Mon amie se plaint d'un mal de dent terrible : je regarde, c’est un abcès d’une dent de sagesse. Pendant 2 jours, elle reste couchée et souffre beaucoup. A la fin, n’en pouvant plus, elle pense que la meilleure solution… c’est d’ouvrir !
Et me voici transformé en chirurgien !
Je m’empare du bistouri et je coupe dedans ! Pouf ! C’est dégoûtant ! mais elle ressent un grand soulagement, ça va mieux. Je désinfecte la plaie à l’eau de mer. Le lendemain, tout est presque terminé !
Cependant, il vaut mieux éviter de faire ce genre de chose, sauf cas d’extrême urgence !!!

* * *

Au bout de quelques jours, le temps commence à changer, les vents et la pluie vont et viennent dans tous les sens par rafale, et nous obligent à faire sans cesse des manœuvres de voiles. Nous entrons dans le fameux pot au noir.
Il est très large car nous sommes tôt en saison et, de plus, nous avons choisi de le prendre presque dans toute sa longueur.
De gros nuages noirs nous préviennent de l’arrivée de problèmes, sauf la nuit !
Alors, il faut faire très vite les manœuvres à l’aveuglette, en général tout nus, car on n’a pas eu le temps d’enfiler quoi que ce soit, et de toutes manières, on va se faire tremper jusqu’aux os.
Lorsque le matin, je me regarde dans la glace, je suis cuit par le soleil et blanc de sel… Il paraît que ça conserve !!!

Nous rencontrons un cargo qui a l’air intrigué par notre présence. Il nous croise et fait un grand tour autour de nous pour voir si tout va bien. Nous lui faisons de grands signes en espérant qu’il ne va pas les prendre pour des signaux de détresse… mais non ! Il nous répond par des coups de cornes de brume, et reprend sa route, nous la nôtre.
La légende de l’entraide en mer est bien réelle.

* * *

Les jours passent, nous subissons le pot au noir. De temps en temps, il nous laisse un répit, comme ce matin où nous traversons l’Equateur.
Ce jour là, nous nous sommes déguisés en hommage à Neptune comme le veut la coutume, car pour tout l’équipage, c’est la première fois que nous passons dans l’autre hémisphère.

Nous voilà en latitude sud, nous étions en automne, et c’est tout d'un coup le printemps !
Le temps nous poursuit encore avec ses changements fréquents, puis finit par comprendre que cela ne va pas nous décourager…
Alors, enfin, l’alizé nous porte vers Fernando.
 
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