Kurma, mon tour du monde en voilier
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Suite Sénégal - Gambie

NB : je n'avais ni GPS, ni SATNAV, ni radar : je naviguais au sextant

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21 juillet 81 : Casamance nord

Nous atteignons la limite nord de la Casamance, et cherchons un passage en direction de la mer.
Bolong Nous voici à une sortie de la rivière, mais c'est un endroit où personne n’est jamais passé, les instructions nautiques indiquent que ce passage est « impossible ».
Nous avons repéré un village de pêcheurs itinérants, ils ne sont là que pour la pêche et nous les voyons aller en mer et passer la barre avec leur grande pirogue. Peut-être pourront-ils nous dire si nous pouvons sortir par là ?
Malheureusement, ils ne parlent pas notre langue. Mais ils nous expliquent que si, nous longeons la plage, l’eau est assez profonde. Je décide de tenter la sortie dès demain.
Effectivement, les vagues qui déferlent sont très impressionnantes… mais un passage apparaît, et revoilà enfin l’océan !
En route vers la Gambie, un peu plus au nord !

 

30 juillet 1981 : Gambie - Le port de Banjul

Nous mouillons dans le port et descendons à terre pour les formalités. Une fois arrivés au ponton, nous accrochons le dhingy et partons à pieds vers la ville.
Des pirogues sont amarrées là, à moitié coulées…
Un peu plus loin, nous voyons deux ou trois moutons morts dans un pré.
Un homme marche à notre rencontre, un peu bizarrement, avec une machette à la main, mais il nous croise sans un mot.
Les volets d’une cabane s’ouvrent. Une femme nous fait de grands signes de négation en indiquant la direction de la ville. Je vois alors au loin de grands feux.
Tout a l'air fermé, les rues sont vides, ce doit être un jour férié, il vaut mieux revenir demain...
La nuit tombe. Du bateau, nous voyons partir dans tous les sens des espèces de fusées de feu d’artifice. Serait-ce la fête du ramadan comme on nous l’avait annoncé ? Les tirs semblent plutôt ratés. Nous allons nous coucher, sans réponse aux questions que nous commençons à nous poser.

Au matin, par contact radio avec la France, un ami nous apprend que nous venons d’atterrir en pleine révolution !
Enfin, nous comprenons la raison pour laquelle les hélicoptères font des manœuvres au-dessus de nos têtes, et pourquoi les gens montent dans des pirogues et se sauvent !
Kurma est absolument le seul bateau au port (un voilier français : complètement fous ces gaulois !).
Mais nous sommes tranquilles, personne ne nous demande ce que nous faisons là, les habitants ont d’autres chats à fouetter…
Par la radio, nous apprenons que les sénégalais ont débarqué.
On les voit du bateau.
Mitraillette au poing, ils tirent en l’air pour que les gens lèvent les bras. Nous, on se planque et on regarde aux jumelles le manège.
Enfin, les mitraillettes se calment… Nos menus ne sont guère variés en ce moment. Le riz, c'est formidable, mais on commence à être fatigués d'en manger à tous les repas.
Je prends mon courage à deux mains, et surtout les rames de l’annexe, et pars me sacrifier pour sauver ma famille de la famine. Dans les rues, des bidasses en folie jouent à la guéguerre, et moi, bon français ne comprenant pas l’anglais, je me promène avec mon sac pour faire les courses au milieu des décombres des grands magasins.
Tout a été pillé, brûlé, et bien sûr, les boutiques qui restent sont fermées.
Je m'approche d'un bidasse sénégalais, qui, lui, parle français. Je lui demande où trouver du pain. Il m’accompagne sans rien me demander vers un dépôt où il faut faire la queue pour une miche. La guerre, ce n'est pas ce que je m'attendais à rencontrer lorsque je rêvais de mon voyage en mer… Autour de Kurma, il y a une vingtaine d’épaves de gros bateaux à moitié coulés…
Et puis, la météo n'est pas au beau, les tornades nous obligent à mettre plusieurs ancres.
Nous décidons de nous éloigner de Banjul en attendant que tout rentre dans l’ordre. Alors, sans carte (car la Gambie n’était pas prévue au programme), nous repartons.
Voici un marigot qui a l’air pas mal. Nous jetons l’ancre.
Dans la nuit, des bruits bizarres autour du bateau me réveillent. Je me lève, sors avec le fusil… mais ce ne sont que des pélicans, par centaines, qui se baladent, alors, je me recouche. Nous continuons notre petit voyage sans jamais voir personne.
Il faut dire qu'en 1981, la Gambie est habitée par 80% de sénégalais hors-la-loi. Pendant le coup d’Etat, tous ont passé la frontière.
Deux jours de navigation, et nous arrivons vers un pont qui relie Banjul à Bakau (Bakau est la ville qui a été le plus touchée par la "révolution").
Le coin n’est pas mal, la mer à cent mètres. Il y a deux voiliers à l’ancre, non habités bien sûr, mais qui flottent ! et ça nous rassure.
Nous empruntons l'autocar pour faire les courses à Banjul, qui est à 5 kms.
Les tornades nous font moins de souci ici.
Nous rencontrons un français, propriétaire d'un petit bateau, et vit ici depuis 7 ans dans une superbe villa. Il est radioamateur et m’a donné plein de "tuyaux" sur le secteur, et m'a aussi permis de recopier des cartes.
Un ingénieur anglais, qui travaille à l’usine à côté, nous a donné un coup de main pour réparer le filet.
On se baigne, on a mis le bateau au sec pour le repeindre pendant les grandes marées. La belle vie, quoi ! Nous ne resterons certainement pas en Gambie, nous allons essayer de remonter jusqu’à Kaolack, une ville du Sénégal, par les ruisseaux du coin (140 Kms dans les ruisseaux).

Vers Kaolack
Comme si nous étions à quai...

Siné-Saloum

Nous décidons de tenter l’entrée d’un passage repéré grâce au plan de notre ami.
Et en suivant de près la barre, nous trouvons facilement la rivière.
Puis, un village apparaît, et nous jetons l’ancre.
A terre, nous sommes accueillis par quelques femmes qui nous expliquent que les hommes sont partis à la chasse pour plusieurs jours.
Elles invitent mon équipage à partager le plat de manioc avec elles, et sont en admiration devant les cheveux tous fins et blonds de mes équipiers.

Quelques jeunes filles viendront visiter Kurma et participer gentiment à une séance de photos.

Accueil sénégalais

Après une nuit tranquille, nous remontons les bolongs pendant plusieurs jours et puis, le 19 octobre, nous atteignons Kaolack.
Petite ville typiquement africaine avec son marché folklorique où les femmes en boubou de toutes les couleurs sont très souriantes.
Et, oh surprise ! à l’entrée du marché couvert, de chaque côté de la porte, se trouvent plusieurs pneus usagés empilés par 3 ou 4 et qui servent de wc où il suffit de s’asseoir. C'est ainsi que nous trouvons deux femmes assises à l'entrée du marché, en train de bavarder tranquillement...


Kaolack est la dernière ville civilisée où nous pourrons nous ravitailler.
Nous en profitons pour remplir les cales et préparer notre départ vers le Brésil.
Avant la sortie du Siné Saloum, nous trouvons un endroit pour échouer Kurma et lui faire un petit carénage. Il s'agit de la Pointe de Sangomar, qui n'était pas encore une île.
Les tornades commencent à se calmer, nous sommes peut-être un peu tôt en saison pour la traversée du pot-au-noir, mais nous avons assez traîné.

 
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