Kurma, mon tour du monde en voilier
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Sénégal - Gambie (Fév-Oct 1981)

NB : je n'avais ni GPS, ni SATNAV, ni radar : je naviguais au sextant

Carte Sénégal - Gambie Gambie Casamance Sine Saloum Dakar Cliquer sur les escales pour un accès direct
 

Nous voici prêts pour la (première) plus longue traversée de Kurma.
En route vers Dakar !
L’alizé est là, pas très fort, ce n’est que mieux pour s’amariner et, toute voiles dehors, nous filons vers le sud.
Cette traversée sera relativement tranquille. Je reste au large, préférant éviter les côtes de Mauritanie, dangereuses car elles sont basses.

Nous rencontrons quelques bateaux de pêche au niveau de Nouakchott, puis plus rien jusqu'au phare des Almadies à Dakar.
Nous contournons la pointe des Mamelles et allons nous mettre à l’abri dans une anse bien protégée au pied de la ville.
Ici, des centaines de voiliers restent ou partent vers l’aventure.
Certains vont vers la Casamance ou en reviennent, d’autres se préparent pour les Antilles ou le Brésil.
Nous en profitons pour récupérer notre courrier à l’Ambassade de France, où nous sommes très bien accueillis, et visitons Dakar.

Marché des voleurs et fripes françaises

La visite de la ville ne peut se faire sans visiter les marchés :
Il y a le marché aux voleurs : c'est ici que l'on vous revend (pour pas cher !) votre propre appareil-photo (qui avait récemment disparu de votre sac) !!!
Depuis quelques jours, je suis à la recherche d’antifouling pour le bateau et, sur les indications d’un ami, je me rends avec Kurma dans le port de Dakar. Evidemment, j'aurais dû y penser, on me vend un bidon de 25kg pour un prix dérisoire… je ne pose pas la question de la provenance !

Il y a aussi le marché des fripes, toutes plus au moins estampillées "Secours Français". On sourit à la vue des sénégalais qui se baladent coiffés de bonnets de ski bleu blanc rouge en laine. Il y a peut-être celui de Jean-Claude Killy dans le tas…
Mais il parait que ces bonnets sont efficaces contre le soleil, il fallait y penser ! Nous verrons la même chose en Casamance.

Un peu de litière pour le chat…

Nous avons recueilli un chat… Il nous faut donc de la litière pour chats.
C'est à l’Ambassade que l'on nous donne le numéro d’une personne sensée nous en trouver, qui nous donne rendez-vous dans la zone industrielle. C'est un français qui nous attend là. Il nous conduit vers un immense hangar de stockage et en ouvre la petite porte.
Et là, surprise ! Nous découvrons une montagne de grains de phosphate !
"Prenez ce que vous désirez", nous dit-il.
Nous avons l’air tout bêtes avec notre sac à voile.
Je découvre que la litière à chat fait la fortune des exploitations de phosphate. Nous en aurons pour toute la traversée… et plus encore !

La voile du vieux pêcheur

Pêcheur à Dakar

Tous les matins, dans cette baie, un vieux pêcheur passe avec sa pirogue derrière nous, en direction du large et revient le soir.
Sa voile est pittoresque : un patchwork de morceaux de tissus de toutes les couleurs avec pleins de trous.
Je l’interpelle et lui demande pourquoi il ne répare pas les trous. Il me regarde avec un grand sourire : cela risquerait de faire chavirer la pirogue quand il y a des rafales de vent !

ET PUIS…
Un jour, nous faisons une pêche miraculeuse dans ce mouillage. Des millions d’anchois viennent se réfugier sous nos coques, sûrement pour se protéger de leurs prédateurs, les thons.
A l'aide de seaux attachés à une corde, nous prélevons quelques kilos d’anchois que nous mettrons au sel.
Nous avons aussi droit au vent du désert, qui souffle assez longtemps pour nous couvrir de sable et jaunir toute la ville.
Et ce matin, je suis réveillé par un orchestre. Je sors sur le pont et, surprise ! un voilier est en train de fêter son départ vers le Brésil. Il fait le tour du mouillage avec un équipage de musiciens dont chacun a sorti son instrument. Tous seront très applaudis et tous les bateaux sortiront leur corne de brume pour leur souhaiter bon voyage.

A Dakar, chaque jour, c’est la fête assurée grâce aux arrivées et départs des bateaux.

Mais notre choix est fait : nous irons en Casamance pendant la saison des tornades.

Trajet Dakar-Carabane

Nous avons pris quelques renseignements pour le trajet qui, lui, est simple.
Le seul problème est le passage de la barre de la Casamance.
Normalement, il devrait y avoir une bouée sifflante, car ce secteur est souvent envahi de brumes.
Au matin, le fleuve est là, mais le folklore commence : la bouée est inexistante, et nous n'en voyons pas l'entrée.
Heureusement, en s’approchant, nous la découvrons grâce à un voilier ancré vers l’île de Carabane.
Nous survolons la barre avec les fesses serrées, car dans cette eau boueuse, le sondeur ne fonctionne plus.
Après quelques minutes d’angoisse, portés par la vague, nous entrons enfin en Casamance...

Nous nous dirigeons vers l'île. Je jette l'ancre. Fatigué par cette nuit sans sommeil, je décide de faire une sieste pour récupérer...

Casamance, 23 avril 1981

4 heures de l'après-midi.
Je me réveille. Je crois que c'est le calme qui m'a réveillé, le silence plutôt, à peine un clapotis sur la coque.
En sortant, je réalise que le paradis n'est pas si loin : une plage, des cocotiers, quelques cases, et au loin l'océan avec sa barre qui déferle toute blanche comme pour vous dire : "vous y êtes (au paradis)"
Descente à terre. Rencontre avec une famille sénégalaise qui nous offre des noix de coco à boire. Quel plaisir ! Nous n'avons pas de frigo et on a l'impression que l'eau qui coule en nous est fraîche.
Le soir est tombé, et le soleil se couche, nous envoyant ses orange de rêve et ses nuages d'alizés.

Casamance - Village de pêcheurs Casamance

Le matin, c'est encore plus beau.
Nous disons au revoir à nos amis d'un jour, et partons vers le sud dans un affluent. Il faut prendre les courbes en extérieur pour ne pas se planter dans les bancs de sable.
Au détour d'un virage, d'un côté une île, et de l'autre, un peu plus loin, un village.
Nous décidons de mouiller devant l'île, et descendons à terre avec l'annexe pour une promenade. Beaucoup de buissons de mangrove et de sable, dans lequel nous découvrons des traces d'animaux. L'une d'elle nous fascine. Est-ce un gros singe ? Nous la suivons un moment et un grondement se fait entendre. Ouf ! je crois que ce singe n'est pas content ! Demi-tour ! on remonte à bord.

Nous levons l'ancre et rejoignons le village. Plusieurs villageois essaient de nous expliquer que l’îlot où nous avons débarqué se nomme... l'île aux panthères !!! Il ne s'agissait pas d'empreintes de singe... Nous l'avons échappé belle !

* * *

Gentil accueil des pêcheurs qui admirent la couleur de Kurma (un très joli orange corail). Ils en rêvent pour leurs pirogues (qui sont d'ailleurs magnifiquement peintes : pour passer la barre lorsqu'ils vont pêcher en hautes mers, les couleurs sont sensées attirer les bons esprits et la chance), et moi, je suis attiré par leurs filets de pêche de 3 à 4 m de large sur 100 à 200 m de long, et tous lestés avec des pierres et des flotteurs de bois. Le chef est d'accord : nous troquerons peinture contre filets...

Casamance - Village Nous restons plusieurs jours devant ce charmant village.
Le chef et le sorcier sont venus visiter Kurma. La cuisinière, le four où l'on peut voir ce qui est en train de cuire, les couchettes... tout les fait rire aux éclats. Surtout les WC. Là, par mime évidemment, on leur explique comment ça marche. C'est la grande rigolade !
Une amitié naît alors, et à partir de ce moment, les villageois défilent devant Kurma pour exposer leurs problèmes de toutes sortes, de santé notamment. Nous faisons ce que nous pouvons à l'aide de notre maigre pharmacie composée d'aspirine, d'homéopathie et de quelques fils et aiguilles.
En échange, nous recevons poulets (vivants), cocos, fruits, légumes, et un cochon sauvage qu'ils ont tué et nettoyé pour nous. Suprême cadeau, car ils sont tous musulmans. Nous passons un jour et une nuit à le mettre en conserve (à 45° à l'ombre, il ne faut pas attendre).

Le comble du bonheur est atteint le jour de notre départ (il faut bien partir un jour...).
Le chef et tout le village nous couvrent de talismans, un pour le bateau, et un pour chacun d'entre nous, que nous porterons attaché au bras gauche dans un étui de cuir pendant des années.
Est-ce grâce à cela que la chance nous a protégés tout au long de notre voyage, Kurma et nous ?

A la chance et à la curiosité de notre aventure, ajoutons peut-être le culot.
Nous repartons le long de la rivière, nous arrêtons dans une courbe, ramassons des milliers de coques pour les repas, des huîtres de la mangrove, des pêches miraculeuses grâce à notre filet posé le soir à 17 heures et relevé le matin à 6 h.
Notre problème étant la conservation du poisson, nous gardons le magnifique "capitaine" (un poisson de 2 à 20 kg que l’on ne trouve qu’ici) pour nos repas, préparons quelques salaisons pour le futur et distribuons le reste de notre pêche aux villageois, ce qui nous rend sympathiques à leurs yeux... et le lendemain, nous devons dire STOP à tous les présents : poulets, fruits, légumes...
Nous admirons la simplicité et la gentillesse de ce peuple.
Mais pourquoi faut-il toujours aller voir si c'est mieux « ailleurs » ?
Casamance - Village du Nord
Il faut dire que la saison des tornades approche, nous devons nous éloigner de l'entrée de la Casamance et nous enfoncer dans la jungle pour la sauvegarde de Kurma.
Nous entrons ainsi dans un pays inconnu de fleuves en rivières et bolongs très étroits. Les moustiques nous harcèlent le jour, la nuit. Avant les tornades, le ciel s'assombrit, un immense nuage noir et bas nous recouvre, et en dessous, le vent, la pluie en tous sens, le bateau qui tire sur son ancre. Et les feuilles des arbres, les animaux de tous genres tourbillonnent dans ce marasme, atterrissent sur le pont, courent dans tous les sens. et parfois même entrent par la moustiquaire car en cette période, il est impossible de s'enfermer complètement à l'intérieur pour des raisons de sécurité (il nous faut sortir vérifier l'ancre et le mouillage) et de température, car sous les tornades, le thermomètre atteint 45 à 50° !

Transporteur de roseaux
Transporteur de roseaux

 
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