Kurma, mon tour du monde en voilier
Page Précédente   Page Suivante

Australie (Novembre 1985 - Septembre 1986)

NB : je n'avais ni GPS, ni SATNAV, ni radar : je naviguais au sextant

Pacifique Cliquer sur les escales pour un accès direct

Départ vers la Grande Barrière

Corail, coquillages, poissons et couleurs jusqu'à Cap York, pointe nord, passage obligé entre la Micronésie et l’Australie vers l’océan indien. Nous quittons notre rivière tranquille et la baie de Moreton avec ses immenses plages et ses centaines de surfeurs que nous n’avions pas vus le matin de notre arrivée. Comme la nuit tombe déjà, alors que et nous avons à peine eu le temps de quitter la civilisation et de traverser la baie, nous faisons escale à Round Hill.

Frazer Island

L’île de sable la plus grande du monde : 100 kms de plage face à l’océan, dans un coin d’océan qui est le domaine de très forts courants et de très gros requins.
Colonisée par les bois et les herbes, elle sert d’écrin à de nombreux lacs.
Les seuls occupants sont les dingos, des chiens sauvages qui font de temps en temps parler d’eux : ainsi, un couple de campeurs s’est laissé emporter leur bébé après s’être éloignés juste quelques minutes. Je n’ai jamais su comment cette triste histoire s’était terminée.
Entre île et terre, Kurma passe au dessus d’un pont qui a la caractéristique de n’être praticable qu’à marée haute ! Hé oui, c’est bizarre de regarder ce pont devant nous, en sachant qu’il est trop bas pour notre mât et qu’il nous faut attendre que la marée monte pour passer… Et c’est nous qui, en attendant, regardons passer sur ce pont les vaches, accompagnées de leur berger, qui vont paître la bonne herbe de l’île…
A partir de ce jour, nous avancerons vers le nord dans ce grand lagon bordé d’un côté par la terre et de l’autre par la Grande Barrière Australienne, mais nous naviguerons seulement dans la journée, pour ne pas prendre de risques,
Et aussi pour ne rien manquer de tous les magnifiques mouillages dans le corail ou sur la côte.

Bundaberg : 2 mars 1986, 20h30

Nous entrons dans un chenal très bien balisé, car il fait déjà nuit, et restons jusqu'au lever du jour, dans le petit port de Bundaberg.
Nous voilà vraiment dans la Grande Barrière de Corail, qui constitue sans aucun doute le plus beau trésor d'Australie. 2300 kms le long de la côte Est du Queensland, de Cape York à Bundaberg, elle abrite 1500 espèces de poissons et 400 types de coraux différents.
Les escales se suivent : Pancakeck (seulement 14 heures d'arrêt pour cause de mer agitée), Glastone, qui nous permet de découvrir la campagne australienne, et Narrows, passage pour arriver aux Keppels Islands.
Ce passage entre les îles est assez étroit, avec par moment des courants différents à cause de la marée. A sa sortie s’offre à nous un coin absolument sauvage et magnifique, où nous faisons escale.

Connaissez-vous la Météo MACKEY ?

Une météo vraiment originale : le météorologue, assis sur son balcon, annonce à la radio quotidiennement le temps qu’il fait : « ciel bleu sans nuages, petit alizé, température idéale... » On rit bien… et on se demande parfois s’il a vraiment ouvert ses volets, car ce matin il pleut. Mais bon, on s’habitue.

Rencontre

Chaque soir, un petit voilier blanc s’arrête à proximité de notre voilier. Ce soir, son équipage vient nous dire bonjour et nous offrir un poisson tout frais pêché. Nous invitons à bord ce jeune couple, dégustons le poisson ensemble, et répondons à leurs nombreuses questions : venons-nous de France ? est-ce que c’est très loin ? Y a-t’il des guerres partout dans le monde ? et comment avons-nous fait pour éviter les pirates? et comment vit-on en Europe ?
Ils nous trouvent complètement dingues de voyager ainsi, et nous devons leur expliquer que ce sont les médias qui leur donnent toutes ces idées préconçues (internet n’existait pas dans les années 80).
A notre tour de leur poser des questions : pourquoi nous suivent-ils depuis quelques temps, même pour entrer dans les rivières ?
Leur réponse nous stupéfie : nous arrivons de loin, ce qui signifie que nous sommes de bons marins, et eux ne connaissent pas du tout la côte australienne, ils ont acheté ce bateau pour l’été et retournent en fac une fois les vacances terminées.
Nous, de bon marins ? Nos entrées dans les rivières sont toujours un peu acrobatiques : la mer déferle, nous avançons doucement vers le passage ; malheureusement, la marée descend et le courant soulève la boue. Notre sondeur finit par ne plus rien voir !!!
La marée continue à descendre et voilà Kurma planté dans la boue. Et pas question de baignade : les crocodiles attendent et ce sont les plus gros !
A terre, nous découvrons le squelette d’un lamantin complètement nettoyé de toute chair. Nous lui empruntons un morceau de son énorme vertèbre, en souvenir...

Port Clinton, 9 mars

Chaque jour nous apporte une nouvelle découverte :
Les Jellyfish sont des méduses très dangereuses qui parfois pullulent au point qu'il devient impossible de prendre un seau d’eau de mer pour se rafraîchir.
Les australiens en ont été réduits à construire des barrières de piquets de bois de plusieurs mètres de haut à cause de la marée, et des filets pour les requins à l’entrée de la baie et aux abords des plages pour protéger les baigneurs.
Ce qui nous oblige à zigzaguer pour nous approcher de la côte.
Le coin n'est pas trop touristique, nous avons l’impression que les gens sur la plage sont parqués dans cette haie de piquets. Des panneaux indiquent la présence de ces horribles méduses dont la piqûre occasionne de vilaines brûlures et peut même être mortelle pour les enfants.

Port Clinton –Percy sud, 11 mars

Les qualificatifs me manquent pour décrire la beauté des fonds et de l’île, quel régal de plonger et de se baigner dans une eau turquoise !

L’île de l’Ermite
Nous sortons à marée montante et nous voilà avançant dans l’eau claire en direction de l’île de l’Ermite. On dit que cette île, dominée alors par un phare, appartenait à un couple qui, commençait à s’ennuyer. Notre ermite, passant par là, leur a proposé son bateau contre l'île... Le mouillage est très rouleur, mais demain, nous serons à terre.
J’utilise pour la première fois l’ancre flottante obligatoire, lestée dans l’eau sur le côté du bateau au bout du tangon, elle ralentit beaucoup le roulis.
A terre, nous découvrons une maison et des hamacs où, si nous le désirons, nous pouvons dormir, puis un parc d’émeus qui se laissent caresser. Les enfants sont ravis.
Un peu plus loin, des chevaux. En cette saison, l’ermite habite dans la montagne et cultive fruits et légumes pour les revendre au gens de passage (qui sont plutôt rares). Des instructions nous attendent dans la cabane, auprès d’un téléphone à manivelle (sans électricité !) :  
* Décrochez et tournez la manivelle, le propriétaire vous répond.
* Passez-lui votre commande de fruits et légumes. Dès demain, donnez à boire à son cheval.
* Montez sur son dos (à cru), il vous emmène sur 4 kms dans la montagne jusqu'à son maître par le sentier.
Malheureusement, nous n’avons pas pu profiter de la promenade : un autre petit mot nous précisait que le maître des lieux était absent, sans doute parti dans ses plantations plus lointaines, ou en vacances...

Toujours direction nord, Seawfell vers Cid Harbourt.

un maquereau géant

Encore une journée superbe de navigation .
Pêche à la traîne et ce soir, nous dégustons un maquereau géant.

Je le prépare à la façon américaine : après avoir ôté la tête et la queue, je découpe un filet de chaque côté et nous voilà avec deux énormes steaks sans arête à griller. Accompagné de riz, ce régime nous maintient en pleine forme.
Quand la pêche est vraiment très bonne, je mets les steaks dans le sel et constitue une réserve.

Whitsundays Islands, 15 mars

Plusieurs îles (dont certaines sont couvertes de complexes hôteliers, où nous ne traînons pas) plus ou moins habitées, avec des mouillages confortables, des plages à vous couper le souffle, même si l’on est blasé, et des fonds coralliens à regarder à travers son masque pour l’éternité.
A Cooktown, nous préférons rester vers le sauvage dans les îles.
Cid Harbourg vers Airlie Beach. 16 mars.
Airlie beach du 17 au 26 mars : ultime promenade avant notre retour à la civilisation.

Les crocodiles (Histoire vraie, au nord de Cairns)

Il circule beaucoup d’histoires sur les crocodiles, des accidents arrivent parfois, mais ces « sympathiques » bestioles sont protégées par la loi.
Voici une histoire écrite dans les journaux à l’époque de notre passage :
Lors d’une soirée entre amis, la maîtresse de maison, assise sur le ponton, les jambes pendant au-dessus de la rivière, conversait avec une amie. Soudain, un énorme crocodile happe ses jambes, l’entraîne avec lui et disparaît sous l’eau. Son mari et ses amis n’ont rien pu faire pour la sauver et, de colère, le lendemain, le mari est parti pourchasser le crocodile. Il a fini par le retrouver et le tuer, mais a eu ensuite des tas de problèmes avec la justice.

Que dire de ces petites villes qui jalonnent de loin en loin notre remontée vers le nord ? Nous nous retrouvons souvent dans des endroits ressemblant au Far-West, où les habitants se déplacent à cheval, utilisant la charrette pour faire les courses. Les hommes se retrouvent au saloon pour boire un verre et jouer aux fléchettes. Ils sont tellement éloignés de la civilisation moderne que peu de village abritent une école, ou bien leur maison est si loin que les enfants suivent des cours par correspondance et les fermiers vont voir leurs champs à cheval par manque de pistes.

 
La_maison_dans_les_arbres.jpg

L’île de la maison dans les arbres

Nouvel îlot.
Découverte au milieu de la forêt d’une maison en bois construite dans les arbres. Nous montons par une échelle rudimentaire, et après avoir annoncé notre arrivée par de grands cris, nous en faisons le tour sans entrer, mais il n’y a personne.
Pourtant, la maison ne paraît pas abandonnée. Pourquoi l'avoir construite à 4ou 5 mètres du sol ?
Nous avons l’impression de jouer à Tarzan et Jane. Nous aurions été vraiment curieux de rencontrer les habitants.

Histoire de pêche

Surprise quand un fou de Bassan plonge sur notre leurre et se fait prendre à l’hameçon, j’arrête le bateau, et avec beaucoup de délicatesse je ramèFoune mon leurre mais l’oiseau n’apprécie pas du tout et nous avons toutes les peines du monde à le monter à bord il est pas du tout d’accord alors il nous faut utiliser l’épuisette et ensuite faire très attention a son grand bec qui claque de toutes ses forces dans tous les sens et il faut le tenir, car il bat ses grandes ailes et à lui ouvrir le bec sans en prendre des coups heureusement que nous sommes plusieurs pour pouvoir lui décrocher l’hameçon. avec une pince car elle est bien enfoncée et finalement je vais être obligé de la couper au niveau du dard pour pouvoir lui retirer.
Il va repartir très vite sans demander son reste, et même pas un remerciement.

* Fou de Bassan : Remarquable par sa technique de pêche (tombant comme une pierre d'une hauteur pouvant atteindre 30 m) et par son vol puissant et rectiligne, le fou de Bassan (Sula bassana) est l'un des plus grands oiseaux marins.

Cairns

Nous voilà prêts pour recevoir la famille de France. Robert et Manou, les parents de Fab, viennent nous voir pendant un mois. Nous allons les chercher à l’aéroport de Cairns, et avant de commencer la visite, leur laissons le temps de récupérer et de nous raconter leur long voyage en avion pour arriver jusqu'à nous. 24 heures c’est long. Comme il vaut mieux prévenir que guérir, je me renseigne afin de remplir mes bouteilles de gaz car nous allons être six à bord pendant un mois, et il faudra bien faire cuire tout le poisson que Robert a l’intention de pêcher pendant son séjour ! Il nous faut également trouver du riz et autres provisions. Par chance, nous sommes pas loin de la zone industrielle, et le super marché du coin offre tout le nécessaire, nous voilà parés pour la grand navigation dans les îles, vers Lizard Island, la plus belle île de la Barrière.

Quel superbe mouillage !
Corail, poissons, coquillages multicolores nous éblouissent. Voici un bénitier de près d'1,5 mètre ! Hé oui, les australiens ont tendance à dire que tout est plus grand chez eux, et nous constatons que c'est la réalité ! Un soir, Robert, comme toujours, sort la canne à pêche. La voici qui se tend, avec, au bout, un superbe poisson d’environ un kilo… Il le ramène lentement mais tout à coup la ligne se tend de nouveau, la canne plie à se rompre, et le fil casse ! Nous pensons : requin ! Je descends à l’échelle et mets la tête sous l’eau et dans le masque. Surprise ! Sous Kurma est installé tranquillement un énorme mérou posté sous la coque aussi long que la largeur du bateau (4 mètres)... et qui attend sagement que Robert lui pêche un autre poisson ! Mais nous avons été trop curieux et l'avons dérangé sans qu'il ait eu le temps de déguster un autre produit de notre pêche...

Au cours de nos grandes balades à terre, nous sommes heureux de voir que le monde est encore vierge dans cette île moyennement montagneuse qui nous procure une vue exceptionnelle sur la barrière. Moustiques : Nous découvrons aussi la joie des piqûres de moustiques en voulant un soir vers 17 heures débarquer sur une plage ravissante de la côte. A peine arrivés, nous voilà assaillis par une nuée noire. Vite demi-tour à toute allure vers le bateau. Mais les moustiques, certainement affamés, nous ont suivis jusque sur le bateau, nous étions si vulnérables que nous avons dû leur laisser quelques décilitres de sang, même une fois à bord ! Nous voyons arriver un voilier ce soir-là. L’équipière descend pour emmener son chien sur la plage. Le chien est lui aussi attaqué, nous le voyons sauter comme un fou dans l’annexe, et sa propriétaire ramer à toute vitesse pour retourner à son bateau. Cueillette. Ramassage ou plutôt cueillette des huîtres à marée basse dans les rochers, avec toutes l’équipe, sous l’œil amusé des australiens de bateau, qui doivent vraiment penser « ils sont fous ces gaulois », mais nous nous sommes bien régalés !

Dans un autre mouillage, une plongée nous permet de voir une famille de requins dormeurs, que nous n’avons pas tenté de réveiller bien qu’ils soient, paraît-il, inoffensifs... Nous faisons aussi collection de coquillages et celle-ci s’agrandit de jour en jour. Nous apprécions surtout les porcelaines, je viens d’en découvrir de toutes blanches. Au cours de toutes nos plongées, jamais nous n’avons eu affaire aux requins et je suis persuadé que les accidents sont surtout dus à l’inconscience des plongeurs.

Rib reef, 13 avril

Un soir, eau limpide, couleur turquoise, nous avons la joie de trouver un endroit tranquille, à l’abri d’un îlot. Mais tout à coup, une flottille de petits chalutiers, faisant leurs moteurs toute la nuit (certainement pour leur frigo) viennent nous envahir, à croire qu’ils se sont tous donnés rendez vous ici. Au petit matin, les chalutiers ont disparu. Et je comprends pourquoi car l'île a disparu. Et la mer n’étant plus arrêtée, nous sommes au mouillage en pleins océan. Impression bizarre : plus une terre en vue, Kurma roule en tous sens à cause de la montée de la marée. Je remonte l’ancre, nous prendrons le petit déjeuner plus tard ! En route vers Cap Richard. Fin des vacances famille Voilà déjà un mois que nous visitons la Grande Barrière. Le séjour de Robert et Fab se termine, nous devons rejoindre Cairns pour les déposer à l'aéroport, et nous occuper un peu de Kurma, qui a besoin d’une grande toilette : notre voyage est loin d’être terminé !

Retour  sur Cairns . Visite ferme et parc national.
Puis, balade en bus et visite du parc d’attractions.

Dans le bus, Damien trouve à ses pieds sous la banquette un sac-banane contenant de l’argent, des travellers-chèques, un passeport américain, et nous apprenons que son propriétaire est entré comme touriste il y a peu de temps en Australie. Dès notre retour, nous apportons le tout à la police. Nous n’aurons par la suite aucune nouvelle, bien que nous ayons laissé une adresse en France et aurions souhaité avoir au moins une carte postale, mais cela ne s'est jamais produit !

Nous visitons la ferme aux crocodiles (brrr…, il faut voir avec quelle rapidité ils avalent un poulet entier… quand on pense que ceux qui habitent la mer sont les plus gros et qu’ils peuvent tuer un cheval !).

Koakas Kangourous

Le parc national, plus convivial avec ses kangourous, ses autruches, en compagnie de leurs petits et leurs œufs énormes (à l'époque, les parc d'autruches n'existaient pas en France), ses émeus (que l’on peut caresser car ils sont habitués), ses koalas que l’on peut prendre dans les bras comme des nounours… les enfants sont aux anges !

Cyclones.

La saison des cyclones arrive.
WINIFRED est annoncé depuis un jour ou deux par la météo... Il vaut mieux ne pas prendre de risques.
Nous nous dépêchons d’aller au ravitaillement, car il nous faut quitter le mouillage de la ville, beaucoup trop dangereux, pour s'enfoncer dans les canaux à l’intérieur sur quelques kilomètres à l’abri de la mangrove, qui atteint jusqu'à 15 mètres de haut.
Tous les bateaux au port quittent leur mouillage et c’est la course pour trouver une place avec assez de fond : ne pas oublier la marée (qui augmente dans les cyclones), les arbres et les crocodiles qui sont là, eux, chez eux (et protégés par la SPA, au contraire de nous) Donc, pas question de se mettre à l’eau. J'utilise l’annexe pour transporter ancres et cordages afin d'attacher Kurma aux arbres de la mangrove et chaque fois que je m’approche du bord je tremble en pensant à ces crocodiles qui me guettent dans l’ombre.

Nous sommes bien loin de la ville, seuls au milieu des arbres. Il n’y a pas d’autres bateaux dans les environs et notre seule liaison avec la civilisation est la radio (je n’ai pas de VHF) qui annonce toutes les heures la progression et la force du cyclone. Heureusement, nous ne sentons son passage que par la marée et quelques branches qui voltigent et tombent sur le pont.
Impression de déjà vu en Afrique, qui nous a retrouvés plantés dans la boue. Nous n’avons pas vu les crocos, mais je suis sûr qu’ils étaient derrière les arbres cette nuit là à nous guetter.

Cette nuit là aussi, un couple d’amis a été séparé par le cyclone : madame a mis au monde un petit garçon à l’hôpital de Cairns, tandis que monsieur était à bord de son voilier dans la mangrove à attendre ce double événement. L’alerte est passée, le calme revenu, le cyclone n’a pas été, cette fois-ci, trop destructeur. Nous ressortons de notre abri, et allons saluer les heureux parents à bord de leur voilier Philoé.

Carénage.

Avec la marée, nous nous installons contre un vieux ponton abandonné à l’extérieur du port dans l’entrée d’une ancienne rivière. Là, pas besoin de coucher le bateau, on l'amarre debout et on attend la marée.
Ces jours-ci, ce sont les marées d’équinoxe et nous voyons rapidement l’eau descendre sous notre coque et disparaître de la baie : 10 mètres de moins ?
J ’ai l’impression d’être au milieu de la terre car nous ne voyons plus la mer, et comme chaque fois j’ai un pincement au cœur, va t’elle revenir jusque là ?
Kurma a bien besoin d’une couche d’anti-fouling, et armés de grattes et de pinceaux, nous voilà au boulot pour la journée pendant que les enfants jouent.
C’est avec plaisir que, le soir venu, nous voyons flotter notre maison, et allons rejoindre le port : nous avons rendez-vous avec nos amis suisse . La maman en forme et le papa dans tous ses états pour faire les démarches de son petit australien qui, comme notre petit Damien brésilien, va avoir un passeport.
Le lendemain, j’étale ma grande voile dans le jardin public de Cairns afin de la remettre à neuf. Me voilà donc installé avec ma machine à coudre au milieu d'une magnifique pelouse, sans que personne ne me pose de questions ! (en serait-il de même encore aujourd'hui?)

Départ de Cairns, 30 juin 1986.

Tout le monde est enfin prêt .
Nous continuons dans cette grande barrière : Green, Michaelmas, Lour islet et Pexy Reef. Joli reef de la barrière. Plus au nord : Hope, Cooktown, Flatery.
Plus nous montons et plus le paysage devient sauvage 28 juillet, Lizard Islands, de nouveau un arrêt dans les îles.
Howick : la Grande Barrière se resserre vers la terre, ce qui a pour conséquence un nombre plus élevé de bateaux et de petits cargos. Les balises ne sont pas inutiles car nous devons nous faufiler dans un chenal entre île et terre avec des courants atteignant les 7 nœuds.
Il ne faut pas se rater car même le moteur ne suffirait pas.
Enfin : Flinders et Warton reef. Nous sommes seuls et nous laissons, le temps d’une plongée, les enfants jouer sur la plage. Ce qui finit par inquiéter un petit avion des douanes, qui effectue plusieurs tours au-dessus de nous. Nous lui faisons signe que tout va bien. Chaque jour, un ancrage différent.
Nous approchons du cap Hannah : Morris.Portland.
Plus aucune habitation et beaucoup de verdure car le climat devient équatorial.

Le poisson-chat

Damien pêche à la traîne et tient la ligne avec son doigt pour voir si ça mord.
Tout-à-coup, un grand cri : « papa ! ça tire ! ». Je regarde à l’arrière… C’est un énorme poisson-chat, qui doit bien faire un mètre, qui se débat. Je dis à Damien de lâcher la ligne mais il a enroulé le fil autour de son doigt, le nœud se resserre et va lui couper le doigt. Pas le temps de trouver un couteau, j’attrape la ligne à deux mains pour qu’il se libère. Ouf ! la fil a fini par casser, le monstre retourne chez lui et Damien se souviendra longtemps de ce poisson-chat avec sa grosse tête moustachue. Et de son doigt !

Le courant nous prend et nous pousse comme un fou. C'est fantastique, nous voyons de très près défiler le paysage comme sur un bateau à moteur !
Nous approchons de Cap York, passage obligé pour l'Océan Indien. Ici, l'Indonésie et l'Australie se côtoient, les courants très forts changent de sens aux marées.

Thurday island, 8 août

Voilà enfin le Détroit de Torres.
Peu de bateaux au mouillage, on comprend vite pourquoi.
Il est catastrophique, nous sommes à la jonction des courants, et même si, aujourd’hui, il n’y a pas de vent, le bateau tire des bords dans tous les sens et quand il arrive au bout de la chaîne, cela fait un bruit infernal sur la coque. Il s’arrête net et repart de plus belle dans une autre direction, je vais mettre un cordage pour amortir le choc et toute la nuit, c’est la danse de Saint-Gui. Le cordage casse plusieurs fois mais je m’en rends compte immédiatement étant donné le bruit dans le bateau.
Nous partons dès le lever du jour et prenons le petit déjeuner en route beaucoup plus tranquillement..

Pas de mer, mais pas de vent non plus... la route vers Darwin est très longue, 15 nœuds au portant les deux premiers jours. Il fait chaud et humide car nous sommes au niveau de l’Equateur. Brusquement, plus un brin d’air, nous voici obligés de finir notre route au moteur, en prenant au plus court : traverse du golfe et enfin Fannie Baye.
Et nous voici arrivés à Darwin, dernier port avant l’Océan Indien.
Reconstruite entièrement après un cyclone (tracy) particulièrement destructeur et qui a fait plusieurs milliers de morts en 1974 le soir de noël, Darwin est maintenant une ville pas du tout exubérante, plutôt sympa avec rues piétonnes et petits commerces. Nous y découvrons les commerces de matériel de «(  seconde main), avec toutefois une petite garantie, qui nous permet de le ramener si problème.
Il nous faut inventer une technique pour débarquer avec les 10 mètres de marée sans perdre le dinghy qui se détruirait vite contre les quais : finalement, j’attache une petite ancre au bout d’un long cordage à l’arrière du canot, puis, du haut du quai, je la jette le plus loin possible pour nous permettre de l’éloigner et de ne pas s’abîmer contre la jetée.

Au revoir, Australie !

Notre visa se termine. Nous devons quitter l'Australie. Nous avons pourtant eu droit à deux visas de six mois… un an déjà... que le temps passe vite, il y aurait eu encore tellement de choses à voir comme, par exemple, Ayers Rock, le plus gros rocher du monde.
Mais le pays est si grand, dix-sept fois la France, il nous faudra revenir un jour.

Nous préparons le grand départ, et comme toujours une checkliste, avitaillement, rangements, et surtoutla liste de pièces de rechange car ce n’est pas demain que nous allons retrouver la civilisation ! Il faut penser à tout, on barre la liste au fur et à mesure, on ajoute des lignes, ce qui fait qu’on a le sentiment de toujours oublier quelque chose d’important.
Mais il faut bien se résoudre à partir. Nous prévenons la douane de notre départ pour qu’elle vienne le jour J contrôler et signer la clearance.

1 septembre 1986 : Ce jour est arrivé. Et avec lui, un temps de chien, du vent et de la mer qui entre dans la baie, nous dansons le tamouré sur notre ancre.
Les douaniers, sur leur bateau à moteur, approchent et nous demandent si nous voulons vraiment partir aujourd’hui car ils n’ont pas très envie de monter à bord. Nous leur confirmons notre départ car, tant qu’à se faire remuer, autant que ce soit en mer, et nous avons tout calé, même les gosses, ils sont en bas dans le carré et on a mis les matelas des couchettes par terre pour qu’ils soient confortablement installés.
Finalement, les douaniers sautent sur le pont, les formalités sont vite réglées, ils repartent très vite en nous souhaitant bonne route.

Nous sortons de la baie et sommes accueillis par de grosses vagues et du vent. J’avais déjà pris un ris et mis le foc, il va falloir barrer un peu.
Bon c’est moi qui ne vais pas très bien, et mon déjeuner retourne aux poissons dare-dare, je me retourne comme une chaussette . Heureusement, mon équipière est en forme et tient fortement la barre, car impossible pour l’instant de mettre le pilote, les vagues et les rafales de vent sont trop irrégulières.
Par bonheur, ça ne dure pas très longtemps , juste quelques milles à souffrir. Plus loin, la mer, qui a compris qu’on en a vu d’autres, se calme, mais le vent nous pousse encore plusieurs jours et quelques 1500 milles vers Christmas Island.

Je pensais qu'en prenant de la distance ce sera plus tranquille et nous allions rapidement arriver à l’île. Et bien non !! Car cette dépression a été suivie d'un temps si calme que nous mettons 15 jours pour arriver, le record de lenteur !
j’ai même failli m’énerver à cause de ce roulis dû à la mer et ce manque de vent. Le bateau souffre énormément, mais l’équipage, stoïque, attend patiemment que le vent revienne en se traînant  lamentablement, s'arrosant à grands coups de seaux d’eau de mer pour éviter la déshydratation.
Nous organisons des jeux avec les enfants : devine le méétier auquel je pense, devine ce que j’écris avec mon doigt sur ton dos...
Les petits déjeuners se prolongent, je fais du pain que l’on dévore avec plaisir. De temps en temps, on se laisse traîner tout nu derrière le bateau au bout d’une corde mais vu la vitesse de 1 ou 2 nœuds à l’heure, on ne risque pas d’être pris pour un appât par les poissons, qui, eux, malgré nos lignes de pêche, se refusent à venir améliorer notre ordinaire.

 
Valid XHTML 1.0 Strict CSS Valide !