NB : je n'avais ni GPS, ni SATNAV, ni radar : je naviguais au sextant
10 heures du matin.
Départ des Galapagos... La Grande Traversée... et pronostics comme
au foot : maxi 3 mois, mini un mois…
Kurma est paré, l’équipage aussi, on fait notre prière
à Neptune et on y va !
Premier jour, un petit coup de vent pour nous rappeler comment marchent le bateau
et les voiles, et aussi pour goûter la température de l’eau.
On est bien mouillés, Neptune est content !
Poussé par un bel alizé, je fais route vers le sud, pas trop quand
même, juste assez pour continuer à avoir du vent qui deviendra par
moment assez costaud. Mais Kurma marche très bien à cette allure
et je dois tangonner presque tout le long.
Cette traversée sera la plus chouette et la plus rapide que nous ayons
faite : nous sommes fiers d’avoir mis seulement 19 jours et demi. Je tiens
à cette demi-journée car à notre connaissance aucun bateau,
sauf Ultramarine, un bateau de course beaucoup plus grand, n’a mis moins
de temps.
Le temps n'était pas au
beau ce 13 juin 1983
Tout le matériel souffre beaucoup car la houle est forte (les
vagues atteignent 2 ou 3 mètres de haut) et le vent costaud,
mais nous n’allons pas nous plaindre. Je dois vérifier
chaque jour tous les points de frottement des cordages et des voiles.
Le 14 dans la nuit, la drosse du pilote automatique casse ! Je passe
quelques heures à la changer, accroché à l’arrière du
bateau pendant que mon équipière tient la barre.
Le lendemain, c’est la drosse de grand-voile qui nous lâche. Je tente
d’aller en tête de mât pour la changer mais, arrivé
là-haut, je suis tellement secoué (car il faut continuer d’avancer
pour ne pas trop subir la mer) qu'après pas mal de sueurs froides, j’abandonne
mes acrobaties et redescends sur le pont. Je décide alors
d'utiliser une autre drisse et nous continuons notre course folle
vers les Marquises.
Nous approchons des Marquises et le vent devient moins fort. Les nuits sont
pleines d’étoiles avec la croix du sud comme repère.
Nous n’avons rencontré aucun cargo sur cette route.
Maintenant, nous commençons à voir des oiseaux et, en particulier,
le paille-en-queue, et des bandes de frégates très haut dans le
ciel à la recherche des bancs de poissons.
* * *
Enfin, un beau jour, le capitaine dit :
« Nous allons bientôt apercevoir telle île à telle
heure et le premier qui la voit aura gagné la récompense suprême
: une tablette de chocolat ! »
Sur ce, le capitaine va se coucher pour laisser la possibilité à
son équipage de gagner, et aussi (mais ça, il ne le dit pas)
parce qu’il est mort de trouille de s’être trompé...